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La peur de la maladie (Partie 1)

Cher Journal, 

Je ne sais pas pourquoi aujourd’hui, j’ai besoin de commencer par un truc solennel un peu comme dans les films pour me dire que tout ça va s’arrêter, que la fin sera heureuse et que tout ira bien. 

Mon cher Journal, il nous arrive un truc merdique et je crois que je ne suis pas prête pour ça. Comment on fait pour gérer ce genre de choses quand on n’est pas prêt… 

Je te refais le film mon cher confident, les images sont ancrées en moi. Elles m’ont imbibées comme une mauvaise odeur de cigarette à la sortie d’un bar en terrasse. 

La traditionnelle soirée entre copines

Hier soir, comme tous les 1er jeudi du mois, on s’est fait notre traditionnelle sortie entre filles. J’aime pas cette expression, je trouve ça très con en fait ! Comme si on revendiquait cette sortie comme une victoire de notre condition féminine. 

J’arrive toute guillerette de m’être échappée de la maison pour pouvoir parler mecs, fringues vacances et sexe… bah oui désolée, c’est du basique ! Mais punaise que ça peut nous faire de bien de pouvoir s’épancher et rigoler sur les aventures des unes et des autres. 

Bref je m’installe, les filles sont déjà là… J’attrape le serveur au vol pour lui commander un verre de vin. Puis je les rejoins en me faufilant entre les tables déjà bondées. Quand j’y repense, il y avait un truc déjà là, à ce moment. Je sais pas comment dire mais dans le regard de Lucie, ses yeux si bleus que je lui envie, il y avait comme de la glace. Et pourtant, pendant bien 1h, je n’ai rien vu. On rigole, on se raconte nos vies trop rapides dans tout, nos boulots, les maris & nos bambins, notre fatigue chronique, nos derniers éclats de rire. Et puis, viens le tour de Lucie. Sa voix est différente. C’est presque elle mais avec un fébrilité que je ne lui connais pas. 

Elle nous annonce la phrase si basique “il faut que je vous dise un truc”. 

On comprend tout de suite que c’est une mauvaise nouvelle. Ses mains tremblent et son regard est fixe dans le vide, comme si elle ne voulait pas nous voir au moment de nous annoncer ces mots si moches : J’ai un cancer du sein. 

Un silence lourd s’est installé, je n’entends plus les verres qui s’entrechoquent, les rires autour, les chaises, la porte qui claque à chaque nouvel arrivant, le serveur qui crie la commande en cuisine, le percolateur de la machine à café que l’on vide en tapant dessus… le bar est vide tellement on n’entend plus rien autour et j’ai un sifflement atroce qui arrive dans mon crâne. 

Ma Lucie, mon p’tit Lu, ma Lucette, j’ai mal au plus profond de mon coeur… je suis à table avec toi et pourtant j’ai l’impression de m’être extraite de cette conversation comme si je regardais la scène de l’extérieur. Je ne pense plus à rien et j’ai pourtant mille images qui se bousculent dans ma tête. Je n’arrive pas à articuler, je suis pétrifiée mais je m’interdis de pleurer, pas une larme, ce serait trop égoïste vis à vis de toi. Mon esprit continue sa course folle sans que je puisse le suivre…28 ans… Mais en fait non on n’a pas de cancer à 28 ans… et ta fille de 2 ans… y’a plusieurs stades… la mort…l’espoir…la vie…

Tu nous as expliqué calmement le protocole comme ils appellent ça d’une façon mécanique comme si tu étais programmée. Tous ces tes termes si violents qui m’ont littéralement giflé et mis un peu plus à terre : scanner, chimio, perte des cheveux… Je ne sais plus la suite, mon cerveau a refusé cette information, il s’est mis en défaut. 

Je n’ai plus les mots …

Ce soir je suis rentrée le cœur lourd consciente de la chance d’être en bonne santé. Jeff était encore debout et il n’a pas compris pourquoi j’ai éclaté en larmes dans ses bras, ces larmes si grosses que je n’aurais pas pu les retenir plus longtemps, je me noyais de l’intérieur. 

Ce soir je perds mais demain ma Lu, je pars en guerre avec toi. Les meilleurs et les pires moments se partagent avec la famille que l’on s’est choisie. La bande des dindes que nous sommes, nous allons être ta force, ton courage dans tous ces moments.
Pour en savoir plus “comment aider quelqu’un atteint d’un cancer

Zoé

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